L’objectif initialement fixé de 2 millions de véhicules verts en 2020 semblent aujourd’hui bien optimiste. Il s’agit pourtant d’un enjeu industriel de nature à motiver les pouvoirs publics en mal de ré-industrialisation et de création d’emplois. Où sont les freins ?
Les Départements R&D des grands constructeurs de véhicules ont beaucoup phosphoré pour résoudre la quadrature du cercle. La voiture est en effet devenue davantage qu’un moyen de transport. C’est un espace d’autonomie et de liberté. Elle doit donc permettre des déplacements éventuellement sur de longs trajets, sans souci de ravitaillement. Elle doit être confortable et spacieuse, y compris dans ses coffres. La question de la batterie a donc été au centre de toutes les attentions et la solution idéale n’est pas encore trouvée. L’exigence d’autonomie a eu d’abord pour conséquence une taille de batterie qui ne trouve sa place que dans le coffre. Plus de coffre, plus d’usage pour partir en vacances. La question de l’usage qui sera fait des premières générations de e- véhicules est donc devenue centrale. Il a fallu segmenter le marché non plus en fonction de la taille et de la puissance, mais de l’usage. Purement urbain à courte distance ou interurbain ? Les premiers modèles intéressent le marché urbain dont notamment les flottes de véhicules de services publics (EDF, La Poste, etc.). L’autonomie n’est que d’environ 200 kms… Une batterie volumineuse est aussi très coûteuse et actuellement le surcoût par rapport à une voiture classique est d’environ 5000 € à l’achat. C’est le plus gros frein. Le consommateur n’a pas encore été habitué à raisonner en coût global (achat + fonctionnement). La barrière du surcoût d’achat fait chuter de moitié les candidats déclarés à l’e-véhicule. L’Etat français a donc établi le principe d’un bonus qui serait attribué aux véhicules verts (moins de 130 gCO2/km) en fonction de leur niveau d’émission. Le bonus irait de 200 à 1000 €, voire jusqu’à 5000 € pour les véhicules qui émettraient moins de 60g CO2/km. L’Etat en a t-il aujourd’hui toujours les moyens ?
Autre frein au décollage du marché : l’épineuse question de la recharge des e-véhicules. Pour que la voiture demeure un espace de liberté, il est essentiel que la recharge électrique ne soit pas plus contraignante que de faire le plein d’essence : multiplication des points de recharge et temps de remplissage des batteries le plus court possible. On en est loin encore aujourd’hui. Les experts estiment que pour répondre aux besoins de 2 millions de e-véhicules, il faut environ 1 millions de bornes de rechargement, répartis entre les domiciles et les lieux de travail, auxquels s’ajouteraient 75000 bornes situées dans les parkings et sur les réseaux de voiries. La Loi Grenelle 2 et la RT 2012 rendent obligatoire l’implantation d’une borne dans chaque immeuble construit selon cette réglementation. C’est une bonne idée mais le bâtiment fonctionne actuellement au ralenti, et moins de 300 000 logements sortent de terre chaque année, alors que le parc immobilier existant représente 30 millions de logements qui eux ne sont pas équipés de bornes. Quant au temps de recharge il est encore trop long pour qu’on envisage de se passer d’une batterie de rechange… bien compliqué ! Quant au tarif de rechargement dans les bornes publiques, il semblerait que cela constitue un autre frein. Ce nouveau type de consommation électrique, concentrée en certains points des smart-grids exige que ceux-ci sachent analyser et quantifier la demande électrique en fonction des tranches horaires. C’est loin d’être encore le cas…
Beaucoup de freins à lever avant de considérer que la voiture électrique ne constitue un véritable marché. Le consommateur y regardera de très près avant d’aliéner la liberté que le moteur à essence lui a permis d’acquérir. Mais gageons quand même que la révolution de l’e-véhicule sera au 21ème siècle ce que l’automobile a été au 20ème siècle.