Sans doute interpellée par les initiatives de Nicolas Hulot et son « pacte écologique » lors de la campagne présidentielle, la France a semblé être sincèrement concernée, au lendemain de l’élection, par les problèmes environnementaux.
Toute la classe politique et médiatique a été unanime pour saluer la rapidité avec laquelle le chantier « Grenelle de l’environnement » a été lancé et des consensus tangibles obtenus. C’était en 2007.
Ou en sommes nous aujourd’hui ?
Rappel de la chronologie :
Lancement du chantier/élaboration du projet : 10 mois.
Le Grenelle de l’environnement dans sa première partie, du 16 juillet à fin septembre a été consacré au « dialogue et à l’élaboration des propositions au sein des groupes ».
Ces groupes de travail ont remis leurs propositions le 27 septembre 2007.
> Fin septembre – mi octobre 2007 : consultation du public
Le public a été consulté via des réunions publiques, des forums internet. :
* 14 000 contributions sur Internet ont été recensées
* 300 000 internautes sont intervenus sur le forum du Grenelle
* 15 000 personnes ont été présentes au cours des 19 réunions régionales organisées.
> Mercredi 24 et jeudi 25 octobre 2007, tables rondes et annonces des conclusions du Grenelle Environnement.
A la suite des tables rondes organisées autour de quatre demi-journées de travail, le Président de la République, Nicolas Sarkozy a annoncé les conclusions du Grenelle de l’Environnement.
Le Grenelle de l’Environnement permet d’aboutir à 268 engagements en faveur de la protection de l’environnement.
> En décembre 2007, lancement des 34 comités opérationnels
Le Ministre d’État Jean- Louis Borloo a lancé 34 comités opérationnels, pilotés chacun par un parlementaire ou une personnalité reconnue, dont la mission était de proposer des actions concrètes pour la mise en œuvre des engagements.
Les travaux se sont, pour la plupart, achevés en mai 2008 sur le bilan impressionnant suivant :
5 mois (juillet à novembre) pour architecturer , consulter et définir un projet avec 268 engagements : c’est une performance hors norme !
5 mois de plus (décembre à mai) pour traduire en feuille de route les 268 engagements d’un projet majeur : la dynamique exceptionnelle n’est vraiment pas rompue !
Soit 10 mois pour achever un projet monumental, porteur d’espérances et d’ambitions attendu par tous,majorité comme opposition, bel exploit !!!
Place désormais au « temps du Parlement ». …Hélas la machinerie législative et réglementaire va rompre cet élan et ce bel enthousiasme ! qu’on en juge …..
Rédactions des textes/vote des lois : 2 ans
> Entre 2008 et 2010, les lois « Grenellle »
Pour mémoire « en droit constitutionnel, le processus législatif, ou la procédure législative, est l’ensemble des actes successivement accomplis par le Gouvernement, le Sénat et l’Assemblée nationale, pour parvenir à la création d’un acte de valeur législative, la loi, et à son entrée en vigueur.
La première étape du processus législatif français est le dépôt d’un texte à vocation législative au bureau d’une des assemblées parlementaires, puis son examen dans des groupes réduits de parlementaires appelés commissions. Le texte est ensuite produit devant la chambre réunie en séance publique, et, après son adoption, transmis à l’autre chambre. La promulgation est l’acte du Président de la république qui rend un texte adopté par les deux chambres du Parlement définitivement exécutoire avec force de loi. » (Source : Wikipédia).
Ce qui paraît simple sur le papier … va prendre 2 ans !
La loi Grenelle 1 a été votée par le Parlement à la quasi-unanimité le 23 juillet 2009 et promulguée le 3 août 2009.
La loi Grenelle 2 a été votée par le Parlement le 29 juin 2010 et promulguée le 12 juillet 2010. Source
Le Parlement a adopté les textes nécessaires à la traduction législative des engagements du Grenelle de l’Environnement. » Source
Décrets d’application : plus d’un an.
Mais le « train de sénateur » de cette phase législative sera encore ralenti par les méandres de la phase réglementaire. …..le processus est désormais entre les mains de l’Administration, c’est-à-dire les fonctionnaires des Ministères concernés. Source
« Rappelons à quoi sert un décret d’application :
En France,la plupart des lois adoptées par le législateur,promulguées par le Président de la République et publiées au journal officiel,comportent des dispositions renvoyant à des décrets qui en précisent les modalités d’application.
La phrase suivante est alors mentionnée à la fin de l’article concerné de la loi : les modalités d’application du présent article seront précisées par un décret ministériel ou par un décret en Conseil d’Etat.
Benoîtement, la Direction de l’information légale et administrative avoue,sur le site de la Vie publique que la longueur des délais entre la promulgation d’une loi et la prise des décrets d’application constitue un problème pour la bonne mise en oeuvre de la loi. L’opinion publique peut penser que la loi est appliquée dès sa promulgation,mais en réalité il faut parfois attendre très longtemps avant que les décrets d’application n’interviennent »……parfois plusieurs années. Il arrive même que le décret ne sorte jamais, oublié dans les méandres de l’Administration !!…. Même si la loi prévoit également que : « Il est possible pour un citoyen de saisir le juge administratif lorsque l’administration refuse,sans motif valable,de prendre les décrets d’application prévus par une loi».
Parmi les décrets issus des engagements du grenelle de l’Environnement, il en est un qui illustre mieux que d’autres cette excessive lenteur : le nouveau texte de décret sur l’individualisation des charges de chauffage, destiné à se substituer au vieux décret du 30 septembre 1991 dont la rédaction était devenu obsolète, avec l’objectif d’accélérer la mise en œuvre de la Loi 74-908 de 1974.
La signature rapide de ce décret aurait pourtant permis de créer plusieurs milliers d’emplois, de relancer l’activité économique de PME du secteur des service s immobiliers, de générer des économies d’énergie et de permettre aux cinq millions de familles concernées de gagner en pouvoir d’achat grâce à la baisse de leur facture de chauffage, sans que l’Etat ne débourse un euro….. !!
On aurait pu espérer qu’au sortir de la terrible crise économique que nous venons de traverser, l’Etat se donnerait les moyens d’être efficace. Il n’en est rien car l’Administration, déconnectée de toute réalité économique, ne sait pas prendre en compte ces réalités. La signature de ce décret (à priori attendu pour fin juin 2011) aura pris presque trois ans depuis que la première mouture du texte est entre les mains de l’Administration, (septembre 2008 à juillet 2011) !
Trois ans pour permettre la création de milliers d’emplois et pour permettre d’économiser l’équivalent de la consommation annuelle d’énergie de l’Agglomération de Lyon ! ….
En fait bien plus que ça !
En effet, pour achever en beauté cette extraordinaire course de lenteur, ce décret, qui n’est que la réécriture dans l’esprit du Grenelle d’un décret de 1991, va prévoir un nouveau délai d’application de 5 ans d’une Loi qui date …..de 1974 !!!.
Insensé ! De 2008 à 2016… 8 années de lourdeurs administratives pour un projet majeur dont les fondations ont été construites en un an !
Hallucinant !
Quelle insulte au bon sens, quel mépris pour tous ceux qui ont dépensé leur énergie sans compter pour prendre en compte de vraies urgences.
Quelle entreprise pourrait supporter une telle inertie ?
L’Administration Ministérielle serait-elle à ce point déconnectée des réalités ? C’est indéniable mais est ce la seule explication ?
Le calendrier électoral serait il la cause de ces inerties ? Sûrement pas, le « marché du vert » n’a jamais été aussi porteur, pour la droite comme pour la gauche, d’autant qu’il est générateur d’emplois.
Les engagements du Grenelle et du « Paquet Energie Climat » pris par la France (réduire de 20% en 2020 les consommations d’énergie), les objectifs du facteur quatre (diviser par quatre nos émissions de CO2 en 2050) ne seront pas atteints, soyez en désormais certains !
Dommage, le Grenelle… c’est simplement l’avenir de la planète.
Curieuse façon de hiérarchiser les priorités.
Gilles Gaillot
Directeur Stratégie
Marketing
et Développement ista